"Détaillants, osez donner de la voix!"
Miguel Denys revient sur le non-sens de la politique actuelle en matière de tabac
Kiosk a rencontré Miguel Denys, market manager chez Imperial Brands, qui s'est exprimé sur l'absurdité de la politique actuelle en matière de tabac et sur le rôle que le commerce pourrait jouer pour inverser la tendance. Ou du moins pour limiter les dégâts.
Appel au dialogue
Nous avons déjà longuement parlé des nouvelles mesures anti-tabac de notre gouvernement. Et sans réaction, le commerce illégal du tabac ne risque pas d'être inquiété. Les fabricants de tabac ne sont pas écoutés. Miguel Denys appelle donc les professionnels à se faire entendre, avant qu'il ne soit trop tard.
Bonjour Miguel, quel problème souhaitez-vous soulever précisément?
"Les décideurs politiques n'ont qu'une seule ambition: réduire le nombre de fumeurs. C'est évidemment une intention louable, mais les nouvelles règles ne vont malheureusement pas nous aider à atteindre cet objectif. Prenons l'exemple de la notice papier obligatoire dans un paquet, qui ne fait qu'ajouter des coûts et du ressentiment et, dans ce cas, va également engendrer davantage de pollution. Nous avons l'impression que les gens ajoutent constamment de nouvelles règles sans se demander s'ils progressent vers l'objectif de créer une génération sans tabac."
Que peut faire le commerçant?
"Je crains que le détaillant sous-estime son influence. Alors qu'au contraire, il a un rôle clé à jouer. À la suite de la prochaine interdiction d'affichage, je m'attends à ce que le commerçant fasse pression pour que nous investissions. Mais nous n'allons pas installer dans les magasins des meubles qui cachent nos produits et, en tant que fabricants, nous n'en tirons aucun avantage."
"Il est donc important que le commerçant fasse entendre sa voix. Car cet exemple représente pour lui un coût supplémentaire dans un marché déjà en déclin. Je n'appelle pas à manifester dans les rues de Bruxelles, mais le commerce devrait au moins s'interroger sur l'objectif de cette vague de mesures absurdes. Sur plusieurs marchés, l'interdiction des présentoirs n'a pas entraîné une diminution du tabagisme, juste un surcroît de travail et de paperasserie."
"Le commerce doit devenir durable, n'est-ce pas? Le tabac reste un produit de consommation légal. Les associations professionnelles doivent donc agir. Et on peut espérer que les autorités seront plus attentives aux appels au secours des commerçants qu'à ceux de l'industrie."
Politique d'extinction
Que faut-il faire? Quelles seraient les bonnes décisions et mesures politiques?
"Peu importe le nombre de réglementations supplémentaires imposées par le gouvernement, une grande partie des fumeurs actuels n'arrêteront jamais de fumer. Il n'existe pas de politique d'extinction. Dans l'industrie automobile, on n'a pas imaginé interdire du jour au lendemain les voitures diesel, n'est-ce pas? Après l'interdiction des arômes dans le secteur de la vape aux Pays-Bas, le gouvernement s'étonne que tout le monde cherche des solutions en ligne ou de l'autre côté de la frontière. On est en droit de se demander ce qu'ils avaient en tête au moment de prendre ce genre de décision."
"Engagez-vous aux côtés des autorités pour élaborer un plan à long terme car, comme nous l'avons déjà dit, personne ne nous écoute. À Bruxelles, ils prennent des décisions qui semblent logiques sur le papier, mais qui, en réalité, ne contribuent pas à réduire le nombre de fumeurs. Bien sûr, nous parlerons toujours au nom de notre propre magasin. Mais d'un autre côté, nous avons déjà montré que nous cherchons aussi des alternatives moins nocives."
Circuit illégal
"Il ne faut donc pas se résigner, mais faire entendre sa voix. Car l'alternative, c'est de se faire balayer du paysage commercial. Il y a certainement des magasins qui peuvent survivre sans tabac, mais les autres catégories sont également sous pression, si bien que cette catégorie reste d'une importance essentielle pour une grande majorité des détaillants. Si le tabac disparaît de nos rayons, le gouvernement laissera libre cours à un énorme circuit illégal, qui se développera encore plus. En ce qui concerne le tabac à fumer dit 'Combustible', le marché illégal est déjà plus important que le marché légal des quatre fabricants traditionnels réunis. Idem pour le segment des articles pour fumeurs en général, nous sommes inondés de cigarettes et de tabac du marché noir. Même les services douaniers mettent en garde contre ce danger."
Sites web illégaux
"Du point de vue de la santé, on préfère sûrement un marché régularisé à un marché sur lequel on n'a aucun contrôle. Même s'il s'agit d'un produit nocif. Il est tout simplement dangereux que le gouvernement suppose qu'il doit réglementer et décider de tout à la place du consommateur. S'il peut imposer des règles dans le monde physique, il n'a absolument aucun contrôle sur les activités en ligne et ne prend aucune mesure pour y remédier. Prenons l'exemple de l'interdiction de la vente de sachets de nicotine, qui sont achetés en masse sur des sites web illégaux et qui entrent dans le magasin de journaux par l'intermédiaire de sociétés de vente par correspondance. Cependant, le marchand de journaux lui-même n'est pas autorisé à mettre ces produits en rayons. Cela n'a vraiment aucun sens!"
"On pourrait régulariser la situation, mais en autorisant ces produits par le biais d'une législation stricte. De cette façon, cela permettrait de mettre à mal le circuit illégal. Les gens ne pensent pas assez aux conséquences immédiates de toute réglementation. Et les décideurs politiques pensent généralement à court terme, jusqu'aux prochaines élections."
Nightshops
"Le secteur ne vous dit pas de fumer ou de vaper. Ce dont nous nous rendons compte, c'est que de nombreux fumeurs ont cette dépendance à la nicotine et qu'il existe pour eux une alternative. Bien sûr, il faut alors contrôler la partie de la population qui s'intéresse soudain à la catégorie des vapes. Et c'est là que le bât blesse. En effet, il faut alors contrôler l'offre en ligne, voire fermer les boutiques en ligne, et surveiller de plus près les nightshops. Mais cela ne se fait pas, parce que c'est trop difficile. Les gens choisissent donc la voie de la facilité, qui consiste à imposer une interdiction."
"Laisser les entrepreneurs entreprendre"
Vous préconisez une plus grande concertation entre les commerçants et les pouvoirs publics. Que peuvent faire les détaillants eux-mêmes pour améliorer la situation?
"Je préconise une concertation sur la manière dont nous pouvons atteindre ensemble l'objectif d'une génération sans tabac. Établissons un plan d'accises pour les cinq prochaines années, qui ne change pas, afin que les détaillants sachent à l'avance ce qui les attend. Ils pourront ainsi investir en toute sérénité. Donnons des perspectives et veillons à ce que les entrepreneurs puissent continuer à entreprendre, tout simplement. Il faut arrêter de jouer sur une politique à court terme."
"D'autre part, les commerçants doivent également être conscients qu'ils doivent respecter les règles. Ne vendez pas à des jeunes de moins de 18 ans, vous ne feriez que nuire à vos affaires et à celles de vos collègues. Essayez également de donner plus de conseils sur les alternatives à vos clients. Vous êtes plus qu'un simple intermédiaire. Ne pensez pas que votre client n'est pas influencé."
