Le gouvernement belge n'a pratiquement aucune prise sur le circuit électronique illégal
La situation est précaire: une cigarette électronique sur deux vendue en Belgique est illégale

À partir du 1er janvier 2025, il sera illégal de vendre des vapoteuses jetables. De plus, tout devra être mis sous clé à partir du 1er avril. A cette date-là, la vente de ces produits sera interdite dans les magasins d'alimentation de plus de 400 m2. A cela s'ajoute le fait que les prix des e-liquides ont augmenté depuis début 2024. En effet, le gouvernement fédéral a décidé d'imposer une TVA et des accises sur ce groupe également. Malheureusement, avec l'accumulation de toutes ces lois, le marché illégal ne cesse de croître.
L'exemple du tabac
L'imposition d'une taxe sur un produit devrait permettre de professionnaliser le marché en éliminant les 'cow-boys'. En outre, les groupes de consommateurs vulnérables, tels que les jeunes, seront mieux protégés. D'un autre côté, l'introduction de taxes pourrait également entraîner la croissance d'un circuit illégal.
C'est ce qui s'est passé ces dernières années sur le marché du tabac. Il n'y a pas de preuves directes, mais quand on sait qu'un paquet de cigarettes premium de 20 pièces coûte déjà plus de 10 euros, qu'environ 25% des cigarettes consommées en Belgique ne sont pas taxées dans notre pays et qu'une cigarette sur dix fumée en Belgique est illégale, le calcul est vite fait.
L'année dernière, le SPF Economie a reçu 744 signalements de contrefaçons. Cela représente une augmentation de plus de 37% par rapport à 2022. Au total, 217.053 produits ont été saisis, pour une valeur totale estimée à plus de 11 millions d'euros, soit une hausse de 15% par rapport à 2022. Dans le top cinq des produits de contrefaçon, le tabac arrive en quatrième position.
La hausse des prix n'entraîne pas nécessairement une diminution du nombre de fumeurs. Les Belges se réfugient dans la contrefaçon, ou ont vite fait de traverser la frontière, principalement vers le Grand-Duché de Luxembourg en ce qui concerne les cigarettes. La diminution des ventes (sur la base de la consommation) ne signifie pas automatiquement une diminution du nombre de fumeurs.
Le Service des douanes et accises, qui dépend du SPF Finances, affirme également que la hausse constante des prix favorise le commerce illégal de cigarettes. En 2023, ce service a saisi plus de 345 millions de cigarettes illégales, représentant près de 141 millions d'euros de droits éludés. Il a également démantelé 27 usines illégales.
Le prix détermine tout
Maintenant que les e-liquides sont également soumis à des taxes, il n'est pas illogique que ce marché doive lui aussi tolérer un circuit illégal parallèle. Il est encore trop tôt pour se faire une idée précise, car la taxe sur les e-liquides n'existe que depuis début 2024, mais au SPF Santé, on entend dire que de nombreux contrôles ont déjà été effectués auprès des personnes qui lancent un commerce sur Internet.
En général, ces produits ne sont pas conformes à la législation belge et sont donc illégaux. En effet, l'achat et la vente de produits du tabac et de cigarettes électroniques sur internet sont interdits par la loi. Les produits vendus via internet et les réseaux sociaux, qui ne sont pas passés par les douanes belges et sont donc par définition illégaux, sont plus risqués et ne présentent pas toujours les garanties requises en ce qui concerne le fonctionnement normal et la composition lors du vapotage.
Et puis, bien sûr, il y a le prix. "Je vends des vapoteuses jetables de 500 à 600 bouffées pour environ 10 euros, alors que dans un night-shop, on trouve des produits de 7.000 à 8.000 bouffées pour 12 ou 13 euros. Le 'Tornado' de 9.000 bouffées est disponible en ligne pour 18 euros", explique Stefaan Destoop de Vapeshop Plus à Waregem.
"Tous les jours, des clients me posent des questions sur ces puffs Tornado 9000. De tous âges. Et à chaque fois, je dois expliquer qu'il s'agit d'un produit illégal en Belgique, qu'il n'est pas enregistré auprès du gouvernement et que vous ne savez pas quelle quantité de nicotine vous ingérez. Mais cela ne dérange pas du tout ces clients".
(Voir aussi l'interview du buraliste liégeois Jean-Pierre Demoulin par le journal L'Avenir)
Mea culpa politique
Le ministre de la Justice démissionnaire, Paul Van Tigchelt (Open VLD), se rend bien compte qu'il y a un problème. "La lutte contre le commerce illégal de sachets de nicotine, de produits de vapotage et de tabac doit être une priorité et doit être beaucoup plus vigoureuse qu'elle ne l'est aujourd'hui", affirme-t-il dans une interview accordée à l'association professionnelle flamande des vendeurs de presse et de tabac Perstablo. "Mais il va sans dire que ce sera très difficile, car des millions de paquets sont livrés chaque année."
L'administration générale des D&A effectue des contrôles dans les centres de tri des services de postes et de coursiers sur les colis et les lettres en provenance de l'étranger. Il existe également un groupe de travail spécifique sous l'égide du Secrétariat général Benelux pour s'attaquer à la question des envois de drogue par la poste, avec la coopération de la police et de la justice.
Le service se concentre également aujourd'hui sur la traque des importations et des ventes illégales de tabac à grande échelle plutôt que sur les importations clandestines à très petite échelle.
Il est effectivement nécessaire en Belgique d'appliquer de manière plus stricte les mesures de répression des ventes sur internet et sur les réseaux sociaux. Les produits vendus par ces canaux sont plus risqués car ils ne présentent pas toujours les garanties requises en ce qui concerne le fonctionnement normal et la composition du produit lors du vapotage.
Actions
"Nous devons de toute urgence freiner davantage ces ventes afin que les gens puissent se rendre dans des magasins spécialisés", souligne encore le ministre démissionnaire. "C'est pourquoi le SPF Santé publique s'engage également pour plus de contrôles sur l'achat et la vente en ligne de produits du tabac (y compris les cigarettes électroniques)."
Facebook et Instagram
En collaboration avec ces canaux, les publicités comportant des photos de produits du tabac et de cigarettes électroniques sont automatiquement supprimées. Le vendeur recevra une notification "Ceci compte comme un premier avertissement". Si l'on constate que le même vendeur tente de contourner l'algorithme et continue à vendre sans publier de photo, une enquête sera ouverte.
Peu importe que le tabac ou les cigarettes électroniques vendus soient conformes ou non. Dès lors qu'ils sont vendus en ligne, des saisies peuvent être effectuées. Les vendeurs se verront remettre un procès-verbal assorti d'une amende administrative pouvant aller jusqu'à 1.500 euros.
Les commentaires sur les réseaux sociaux montrant que les particuliers intéressés par l'achat de produits du tabac ou de cigarettes électroniques sont également vérifiés. Des contrôles réguliers sont également effectués sur les canaux Snapchat, Telegram et Whatsapp.
Plateformes de vente en ligne
En 2023, les versions belge, néerlandaise et française d'Amazon ont été passées au crible. Une part importante des publicités non conformes concernait la vente en ligne de cigarettes électriques et de recharges, qui fait l'objet en Belgique d'une interdiction de vente en ligne aux consommateurs.
Fin 2024 et en 2025, de prochains contrôles sont prévus sur les plateformes de vente en ligne telles que DH Gate, Ali Baba, AliExpress et eBay.
Pour rendre efficace un contrôle accru du commerce en ligne via ces sites web, le SPF pourrait devoir s'appuyer davantage sur les nouvelles technologies, telles que l'IA, pour scanner automatiquement les colis à la recherche d'un éventuel contenu interdit ou pour les passer au crible de manière ciblée et efficace, sans devoir les ouvrir pièce par pièce et sans mettre en péril la protection de la vie privée et le secret postal.
Publicité en ligne
En outre, des contrôles réguliers sont effectués pour détecter les infractions en matière de publicité en ligne. Cette année, les chaînes YouTube des entreprises et des particuliers seront également contrôlées. Si des infractions en matière de publicité sont constatées, les contrevenants sont passibles d'une amende allant de 2.000 à 800.000 euros.
Vapebel déçu
Les recherches montrent toutefois qu'une cigarette électronique sur deux vendue en Belgique est illégale. Un taux extraordinairement élevé, en d'autres termes. Il s'agit pour la plupart de vapoteuses jetables qui contiennent beaucoup plus de nicotine et de liquide que ce qui est légalement autorisé (maximum 2 ml alors qu'il y a en circulation des appareils de 10 à 15 ml, nvdr) et qui ont donc un sérieux avantage en termes de prix.
Fort de ces arguments, le syndicat Vapebel s'est adressé au département D&A à la mi-juillet. Les fonctionnaires ont souligné qu'ils étaient conscients du problème, mais qu'ils ne pouvaient pas faire grand-chose pour le moment. Trop peu d'inspecteurs, trop peu de personnel, d'autres priorités (drogues via le port d'Anvers, cigarettes et tabac). Il y a bien eu quelques contrôles au niveau des magasins, ici et là, mais pas suffisamment et certainement pas au bon moment.
"On pourrait quand même s'attendre à ce que le gouvernement, à qui chaque entreprise légale paie suffisamment de taxes, vérifie ce qu'il impose lui-même"
Felix Rijkers - président de Vapebel
"On pourrait facilement prendre le contenu de n'importe quel night-shop ici à Anvers. Les vapoteuses illégales sont juste là sur le comptoir, à la vue de tous", répond Felix Rijkers, président de Vapebel. "Mais le contrôle d'un night-shop n'est évidemment possible qu'en dehors des heures de travail, et pour cela, il faut des volontaires. Donc ça ne se fait pas. Non, notre conversation n'a pas été motivante. On peut établir de nouvelles règles, mais cela n'a aucun sens si on n'applique pas les précédentes."
"Je prédis aujourd'hui qu'au début du mois de janvier 2025, lorsque les vapoteuses jetables ne pourront plus être vendues, les night-shops en seront remplis. On pourrait quand même s'attendre à ce que le gouvernement, à qui chaque entreprise légale paie suffisamment de taxes, vérifie ce qu'il impose lui-même. Cela fait déjà dix ans que je suis actif dans ce secteur, et cela m'a malheureusement rendu pessimiste".
En d'autres termes, il y a des contrôles en ligne, mais au niveau du point de vente, c'est étonnamment calme. Et cela dérange énormément les entreprises qui opèrent légalement.


